Lou
Bertignac a 13 ans, un QI de 160 et des questions plein la tête. Les
yeux grand ouverts, elle observe les gens, collectionne les mots, se
livre à des expériences domestiques et dévore les
encyclopédies.
Enfant unique d’une famille en
déséquilibre, entre une mère brisée et un père champion de la
bonne humeur feinte, dans l’obscurité d’un appartement dont les
rideaux restent tirés, Lou invente des théories pour apprivoiser le
monde.
A la gare d’Austerlitz, elle rencontre No, une jeune
fille SDF à peine plus âgée qu’elle.
No, son visage
fatigué, ses vêtements sales, son silence.
No, privée
d’amour, rebelle, sauvage.
No dont l’errance et la
solitude questionnent le monde.
Des hommes et des femmes dorment
dans la rue, font la queue pour un repas chaud, marchent pour ne pas
mourir de froid. « Les choses sont ce qu’elles sont ». Voilà ce
dont il faudrait se contenter pour expliquer la violence qui nous
entoure. Ce qu’il faudrait admettre. Mais Lou voudrait que les
choses soient autrement.
Il
est des livres qui vous prennent par la main pour vous envelopper
dans une bulle de chaleur. Il est des livres qui vous font rater la
cuisson des pommes de terre parce qu'il ne vous reste que dix pages
et que vous ne vous sentez pas capable de tenir le repas complet sans
être allée au bout (oui, oui, c'est du vécu!). Il est des livres
qui font tout oublier, même comment respirer.
Dès
les premières pages de No et moi, j'ai su que je me
trouvais devant un de ces livres, et j'ai su que je n'en sortirais
pas indemne. Ce petit ouvrage de rien du tout, acheté d'occasion
trois francs six sous allait laisser sa trace, indélébile.
Tendre,
bouleversant... Mais aussi dur et cruel... Voilà autant d'adjectifs
qui pourraient décrire ce roman.
Une
belle leçon de vie sur le rapport aux autres, sur ces "autres" si
différents, en marge de la société, et qui pourtant ont une
histoire qui mériterait d'être entendue. Et sur les "autres" comme
Lou, dont le cerveau ne fonctionne pas comme celui de la majorité,
et que sa différence isole, ou comme Lucas, en échec scolaire, et
qui, malgré l'admiration qu'il suscite, est tout aussi seul.
C'est
l'histoire d'un exposé, d'une rencontre qui va changer leur vie. Et
qui m'a transportée de telle façon que je n'ai pas pu faire de
pause, et que je l'ai lue sans m'arrêter. C'est l'histoire d'une ado
qui ne comprend pas comment le monde tourne, et qui est convaincue
qu'un petit quelque chose peut tout changer. C'est une histoire
d'amitié, d'amour.
Quelle
force dans l'écriture ! Quelle beauté dans ce récit ! Et
quelle critique dans ces lignes... Un portrait bien laid de notre
société, au sein de laquelle brille malgré tout une petite lueur,
celle de la solidarité, celle qui dit qu'on ne devrait jamais être
seul.
Beaucoup
ont dit qu'il s'agissait d'un roman pour ado, sans doute à cause de
l'âge de protagonistes. Je n'en suis pas sûre. Le sujet
est complexe, traité parfois sans détours. Le regard de Lou est
lucide, et sa lucidité est parfois douloureuse, laissant le coeur à vif. Je ressens encore ses lacérations. Mais aussi le baume apaisant de son amour. Une trace indélébile je vous disais...